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Ah ! gracieuse dogaresse, vous aussi avez une fois sauvé un enfant endormi, en tuant une petite couleuvre prête à lui faire une piqûre mortelle. — Tonino ! que n’as-tu pu voir alors son visage pâle se colorer subitement comme éclairé d’un rayon du soleil couchant, — et de ses yeux jaillir une ardente étincelle. — ‹ Ah ! bonne vieille, dit-elle, j’étais bien jeune encore, oui, à la maison de campagne de mon père… Quel joli et doux enfant ! — ah ! je pense bien souvent à lui. — Il me semble que depuis ce temps il ne m’est plus rien arrivé d’heureux. › Alors je parlai de toi, je lui dis que tu étais à Venise, que cette rencontre avait rempli ton cœur d’un amour et d’un ravissement qui ne t’avaient point quitté, — que pour jouir encore une fois de la vue céleste de l’ange auquel tu devais la vie, tu t’avais risquée dans l’ascension périlleuse du jeudi gras, que c’était toi qui avais remis le bouquet de fleurs entre ses mains ! — Alors, Tonino ! alors, elle s’écria avec délire : ‹ Je l’ai deviné, je l’ai senti, lorsqu’il pressa ma main sur ses lèvres, lorsqu’il prononça mon nom. Ah ! je ne savais ce que j’éprouvais jusqu’au fond de l’âme : du plaisir sans doute, mais en même temps une amère douleur. — Amène-le moi : le cher enfant ! › » — À ces mots de la vieille, Antonio tomba à genoux et s’écria avec transport : « Dieu du ciel ! préserve mes jours de toute catastrophe funeste, au moins jusqu’à ce que je l’aie vue, jusqu’à ce que je l’aie pressée sur mon cœur. » Il voulait que la vieille le conduisit au palais dès le lendemain ; mais elle s’y refusa tout net, attendu que le vieux Falieri