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cuire l’onguent, — monter au palais ducal !… Me voilà donc sur le grand escalier, ma petite boite à la main. Le vieux Falieri descendait en ce moment, il me regarda d’un air sombre : Que vient faire ici cette vieille femme ? — Mais je fis aussitôt, de mon mieux, une humble révérence jusqu’à terre, et je dis que j’avais un petit reméde qui guérirait très promptement la belle dogaresse. En entendant cela le vieux doge fixa sur moi des yeux terribles et caressait sa barbe grise ; tout-à-coup il me prit par les deux épaules et me poussa sur l’escalier et dans les appartements si vivement, que je faillis à chaque pas tomber tout de mon long. — Ah, Tonino ! la charmante enfant était étendue sur les coussins, pâle comme la mort, soupirant et gémissant d’une voix tendrement plaintive : ‹ Ah ! je suis certainement déjà empoisonnée dans tous les membres. › — Mais je m’approchai toute de suite d’elle et j’ôtai l’emplâtre ridicule du stupide docteur. Ô bon Dieu ! la charmante petite main ! — rouge, enflée. — Peu à peu mon onguent rafraîchit, soulagea. ‹ Mais cela me fait du bien, beaucoup de bien, dit la colombe malade. › Aussitôt Marino, transporté de joie, s’écria : mille sequins pour toi, vieille ! si tu me sauves la dogaresse. Puis il sortit de la chambre. Il y avait trois heures que j’étais assise auprès d’elle, sa petite main dans la mienne, la caressant et la soignant, quand la chère enfant se réveilla de l’assoupissement où elle était tombée, et déclara ne plus ressentir de mal. Après que j’eus appliqué une nouvelle compresse, elle me regarda d’un œil brillant de plaisir. Je lui dis alors :