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— Eh quoi ! reprit la vieille, ne pensé-je pas toujours à toi, mon Tonino ! écoute : — Ce matin, j’étais à marchander des fruits sous les arcades du palais quand j’entendis parler dans la foule du malheur qui venait d’arriver à la belle dogaresse. Je m’informe, je questionne : Un grand gaillard, un garçon rustique et tout rouge, qui bâillait adossé à une colonne en mâchant des citrons, dit : ‹ Eh ! c’est à la main gauche, à son petit doigt : un petit scorpion qui a voulu faire l’essai de ses dents, et il est entré un peu de venin dans le sang. — Mon maître, le signor dottore Giovanni Basseggio, est chez elle à cette heure et lui aura sans doute déjà coupé le petit doigt avec la main. › Dans le moment où mon gaillard disait cela, un bruit énorme se fit sur le grand escalier, et un petit, tout petit bout d’homme, renvoyé, comme une quille, à coups de pieds par les gardes, roula du haut en bas des degrés jusqu’à nos pieds, en se lamentant et poussant des cris affreux. Le peuple s’attroupe, en riant aux éclats, autour du petit homme, qui se démenait et gigotait sans pouvoir parvenir à se relever ; mais soudain mon gaillard tout rouge accourt, ramasse son petit docteur, le prend dans ses bras toujours en criant à tue-tête, et se sauve avec lui en courant de toute la vitesse de ses jambes jusqu’au canal, où il monte dans une gondole et s’éloigne à grand renfort de rames. — J’avais bien jugé que si mon signor Basseggio voulait approcher le fer de la jolie petite main, le doge le ferait jeter par les escaliers. Mais j’avisai aussi plus loin. — Et vite, et vite à la maison. — Faire