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Un seul rayon de bonheur qui luit dans un cœur amoureux l’éclaire ordinairement de ses reflets dorés durant des jours, des semaines et des mois entiers, qui se passent à jouir de rêves et d’extases célestes. Ainsi Antonio ne pouvait se remettre du trouble de son impression de volupté intime, et ce souvenir lui laissait à peine la faculté de respirer. — La vieille l’avait sévèrement grondé de son imprudence, et ne cessait de grommeler et de rabâcher sur l’inutilité de pareilles tentatives. Mais un jour elle rentra au logis en sautillant de cette façon étrange qui lui était familière lorsqu’elle paraissait tomber sous un charme inconnu ; puis, en ricanant sans accorder la moindre attention aux paroles et aux questions d’Antonio, elle alluma un peu de feu, mit dessus un petit poêlon où elle jeta toutes sortes d’ingrédients, et fit cuire une espèce d’onguent, qu’elle recueillit dans une petite boite et qu’elle s’empressa d’emporter tout en riant et en clopinant. Elle ne revint que fort tard dans la soirée, elle s’assit en toussant et en soufflant dans son fauteuil ; puis enfin, comme rendue à elle-même après une extrême fatigue : « Tonino, dit-elle, mon fils Tonino, d’où viens-je ? — voyons un peu si tu le devineras ; — d’où viens-je ? dis-moi d’où je viens ? » — Antonio la regardait fixement, saisi d’un singulier pressentiment. « Eh bien, dit la vieille, c’est d’auprès d’elle-même que je viens ; oui, d’auprès de ta colombe adorée, d’auprès de la charmante Annunziata !

— Veux-tu me rendre fou ? vieille, s’écria Antonio.