avait trouvé un billet portant ces mots en dialecte vénitien :
Il dose Falier della bella muier :
I altri la gode e lui la mantien.
« Le doge Falieri à la belle femme : les autres en jouissent et lui l’entretient. »
Le vieux Falieri se mit dans une effroyable colère, et jura que l’auteur de cet injurieux outrage subirait un châtiment exemplaire. En jetant ses regards autour de lui, Michel Steno lui apparut, au bas de la galerie, dans l’endroit le plus brillamment éclairé ; soudain il commanda aux gardes de s’emparer de lui comme du coupable. D’unanimes réclamations s’élevèrent contre cet ordre, et le doge, en cédant aveuglément aux transports de sa colère effrénée, blessa ainsi le peuple et la seigneurie, celle-ci par l’atteinte portée à ses priviléges et celui-là par le trouble mis à la joie de la fête. Les patriciens désertèrent leurs places, et, seul, le vieux Marino Bodoeri parcourait les groupes du peuple, relevant chaudement la gravité de l’injure faite au chef de l’état, et cherchant à rejeter tout le mécontentement sur Michel Steno. Falieri ne s’était pas trompé ; Michel Steno en effet, quand il se vit expulsé de la galerie, était rentré chez lui pour tracer le billet offensant, qu’il avait attaché au siége ducal tandis que le feu d’artifice occupait tous les regards, après quoi il s’était éloigné sans être remarqué. Il avait réussi à diriger le trait vengeur avec assez de perfidie pour