Eh ! pour qui, plus que pour l’amoureux, s’épanouissent les fleurs dorées de l’espérance ! Sait-on le soir ce qu’amènera le matin ? Les illusions du rêve se transforment tout d’un coup en réalités vivantes : le château, dont les nuages recelaient la flottante image, surgit tout à coup sur terre splendide et éblouissant. Écoute, Tonino, tu ne crois pas à mes présages, mais mon petit doigt me l’a dit, et une autre voix encore : l’éclatante bannière de l’amour voltige sur les flots à ta rencontre. Patience, mon fils. Tonino ! — patience ! » C’est ainsi que la vieille cherchait à consoler le pauvre Antonio, et ses paroles résonnaient en effet à son oreille comme une musique joyeuse. Celui-ci décida qu’elle ne le quitterait plus. Et au lieu de la mendiante autrefois postée sur les marches de l’église des Franciscains, on voyait la gouvernante de signor Antonio, sous un costume décent de matrone, clopinant sur la place Saint-Marc, où elle venait acheter les vivres nécessaires au ménage.
Le jeudi gras était arrivé. Des fêtes plus brillantes que jamais devaient le célébrer. Au milieu de la piazetta de Saint-Marc on prépara un vaste échafaudage pour un feu d’artifice extraordinaire, et tel qu’on n’en avait point encore vu, de l’exécution d’un Grec versé dans cet art secret. Le soir venu, le vieux Falieri, accompagné de sa belle épouse, vint prendre place dans la galerie, se mirant dans l’éclat de sa grandeur et de sa félicité, et provoquant de ses regards rayonnants la surprise et l’admiration de chacun. Mais au moment de s’asseoir sur son trône, il aperçut