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fut peut-être l’odeur aromatique des plantes verdoyantes sur lesquelles je reposais qui m’engourdit ; bref, mes yeux se fermèrent involontairement, et je tombai dans une rêverie extatique dont je fus réveillé par un bruissement qui se fit dans l’herbe, comme si quelque chose fût tombé près de moi. Je sautai sur mes pieds. Un ange au visage radieux était à mes côtés, il me regardait avec une grâce ravissante et me dit d’une voix douce : ‹ Ah ! cher enfant, comment dormais-tu si bien et si calme, quand la mort était aussi proche de toi, la cruelle mort ? › J’aperçus alors une petite vipère noire à la tête velue à la place où j’étais couché. L’enfant divin avait tué avec une branche de noyer la bête venimeuse au moment où elle allait dresser son dard contre ma poitrine. Je frémis d’une légére impression d’effroi ; je n’ignorais pas que des anges étaient souvent descendus des cieux pour garantir par leur présence les hommes des atteintes menaçantes de quelque méchant ennemi. Je tombai à genoux, les mains jointes, et m’écriai : ‹ Ah ! tu es un ange du firmament que le Seigneur a envoyé pour me préserver de la mort. › Mais la charmante créature étendit les bras vers moi, et me dit en rougissant : ‹ Non, cher enfant, je ne suis pas un ange, je suis une jeune fille, un enfant comme toi. › Ma crainte respectueuse fit place alors à une émotion de joie indéfinissable qui me pénétra d’une douce chaleur ; — je me relevai, — nous nous serrâmes étroitement, — nos lèvres se rencontrèrent, — éperdus, — sans voix, — pleurant avec délices, — plongés dans une