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Margareta ! ah ! tant mieux : où aurais-je pu trouver une plus fidèle amie que toi ? ah, pardonne-moi, ma mère, si j’ai pu, enfant insensé, douter un seul instant de ce que tu m’as révélé. Oui, tu es cette Margareta qui m’a nourri, qui m’a soigné et surveillé : oh ! je le savais bien depuis longtemps ; mais un mauvais esprit avait mis le trouble dans mes idées. — Je l’ai vue ; — c’est elle ; — oh ! c’est bien elle. — Ne t’ai-je pas dit que je sens en moi certaine obsession mystérieuse qui remplit tout mon être d’un tourment indicible ? Le charme s’est dévoilé à mes yeux dessillés, et son éclat dissipant les ténébres, m’a plongé dans un ravissement inexprimable. — Je sais tout à cette heure, — tout ! — Bertuccio Nenolo n’était-il pas mon père adoplif, qui m’éleva dans sa maison de campagne près de Trévise ? — Hélas ! oui, répondit la vieille, c’était bien Bertuccio Nenolo, le grand capitaine de mer, que la mer engloutit quand il se préparait à placer sur son front le laurier de la victoire. — Ne m’interromps pas, continua Antonio, écoute-moi patiemment. Je vivais donc heureux chez Bertuccio Nenolo ; j’avais de beaux habits, je trouvais toujours table servie si j’avais faim, je pouvais, quand j’avais récité mes trois prières, folâtrer à loisir dans le bois et dans la campagne. Tout près de la maison était un bois de pins, frais et sombre, tout parfumé, et le théâtre de mélodieux concerts. Un soir que j’étais las de courir et de sauter, je m’étendis sous un grand arbre, à l’heure où le soleil s’allait coucher ; et je regardais, en rêvant, le fond bleu du ciel. Ce