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pavé de marbre après s’être écrié : « Ô Dieu du ciel ! » Tout le monde accourut et l’on entoura le corps, ce qui le déroba aux yeux de la dogaresse ; mais, en même temps que le jeune bomme était tombé, elle éprouva la sensation brûlante d’un coup de poignard qui aurait traversé sa poitrine, elle pâlit et chancela, les flacons d’odeurs que lui firent respirer les femmes empressées à la secourir, purent seuls la préserver d’un évanouissement complet. Le vieux Falieri, saisi d’effroi et consterné de cet accident, voua à tous les diables le jeune homme avec son coup de sang : il prit dans ses bras son Annunziata, qui tenait ses yeux fermés et sa petite tête penchée sur la poitrine comme une tourterelle malade, et il la porta, après avoir monté l’escalier, et malgré la fatigue qu’il en éprouvait, jusque dans ses appartements intérieurs.

Cependant un spectacle singulier et surprenant occupait le peuple qui avait continué de s’attrouper dans la cour intérieure du palais. On se disposait à relever le jeune homme qu’on tenait positivement pour mort, et à l’emporter, quand une vieille femme, hideuse et en haillons, s’approcha en clopinant ; et poussant des cris de désespoir, elle se fit jour à travers les groupes les plus compacts, à l’aide de ses coudes aigus dont elle tourmentait les côtes des opposants. Quand elle fut arrivée auprès du jeune homme inanimé : « Laissez-le à terre, s’écria-t-elle, fous ! — gens stupides ! — il n’est pas mort. » En même temps elle s’accroupit à côté de lui, posa sa tête sur ses genoux, et l’appela, en frottant