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renversa d’un violent coup de poing le doge à terre, et franchit d’un bond les escaliers en répétant avec un rire moqueur : « Annunziata, Annunziata ! » — Le vieillard se releva, et, le cœur torturé par mille angoisses, se dirigea vers la chambre d’ Annunziata. Tout était tranquille, — silencieux comme l’abord d’un tombeau. Il frappa ; une femme de chambre inconnue, au lieu de celle qui couchait habituellement dans le voisinage d’Annunziata, lui ouvrit la porte. — « Que désire et qu’ordonne mon seigneur et époux à cette heure tardive et inaccoutumée ? » dit d’une voix assurée et avec une douceur d’ange Annunziata, qui, ayant revêtu à la hâte un léger vêtement de nuit, venait d’ouvrir sa porte. Le vieillard la regarda fixement, puis il leva ses mains jointes et s’écria : « Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! — Quoi donc n’est pas possible, mon royal époux ? » demanda Annunziata, émue du ton sombre et solennel du vieillard. Mais Falieri se tourna sans répondre vers la femme de chambre : « Pourquoi couches-tu ici ? pourquoi n’est-ce pas Luigia qui est ici comme à l’ordinaire ? — Ah ! répliqua la petite, Luigia a voulu absolument que je prisse sa place pour cette nuit : elle est couchée dans la première chambre, tout près de l’escalier. — Tout près de l’escalier ! » s’écria Falieri avec joie, et il se dirigea à grands pas vers la première chambre. Luigia ouvrit en entendant frapper à coups redoublés, et quand elle vit le doge rouge de colère et les yeux flamboyants devant elle, elle tomba sur ses genoux à moitié nue et avoua sa honte, sur laquelle d’ailleurs empêchait de