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et lui faisait présent de tout ce qu’il pouvait trouver de plus précieux. Quels désirs restaient à former à Annunriata et qu’avait-elle à prétendre de plus de sa part ? Ainsi son esprit ne pouvait même concevoir la pensée de devenir infidèle au vieux Falieri. Tout ce qui était au-delà du cercle étroit de leurs relations restreints appartenait à une sphére interdite, dont la limite même restait pour Annuaziala indifférente, voilée d’un nuage épais et mystérieux, et n’éveillait pas le moindre soupçon au cœur naïf de l’aimable enfant. Aussi toutes les tentatives demeuraient infructueuses. Toutefois aucun des courtisans de la belle dogaresse n’était aussi violemment possédé d’un amoureux délire que Michel Steno. Malgré sa jeunesse, il était investi de la charge importante et supérieure de membre du conseil des quarante. Fier de ce titre, et comptant aussi sur ses avantages extérieurs, il ne mettait pas son triomphe en doute.

Le vieux Marino Falieri lui portait peu d’ombrage, et en effet, depuis son mariage, sa colère bouillante et sa rudesse indomptable semblaient l’avoir abandonné. On le voyait assis à côté de la belle Annunziata, richement vêtu et recherché dans sa toilette, le sourire sur les lèvres ; et dans ses yeux gris, d’où parfois s’échappait une petite larme, un regard doucement provocateur semblait défier aucun autre de pouvoir se vanter de posséder un pareil trésor. Au lieu du ton rude et impératif dont il se servait autrefois, il remuait à peine les lèvres en parlant, donnait du très-cher à tout le monde, et accordait les demandes les plus extravagantes. Qui