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quer aussi les sciences occultes, m’avait fait connaître, dès ma jeunesse, les secrètes propriétés de la médecine naturelle. J’appris de lui, en parcourant les champs et les forêts, à distinguer plusieurs herbes salutaires, plusieurs mousses inconnues ; il m’instruisit de l’heure à laquelle il fallait les cueillir et des proportions de leurs mélanges avec les sirops. Mais, à cette science acquise, Dieu associa un don particulier qu’il m’accorda dans un dessein que j’ignore. — Je vois souvent, comme dans un miroir éloigné et trouble, les images d’événements futurs, et l’impulsion surhumaine, à laquelle je ne puis résister, me force alors, malgré moi, à parler de ce que j’ai vu dans un langage souvent inintelligible pour moi-même. Lorsque je me vis seule à Venise, abandonnée du monde entier, je pensai à gagner ma vie au moyen de mes connaissances médicales. Je ne tardai pas à opérer des cures merveilleuses. Bien plus, il arriva que ma présence seule agissait favorablement sur les malades, et que souvent le simple attouchement de mes mains suffisait pour résoudre les crises les plus graves. Je ne pouvais manquer de voir ma réputation se propager dans la ville et l’argent abonder chez moi. Bientôt ce succès éveilla la jalousie des empiriques, des charlatans qui vendaient sur la place Saint-Marc, au Rialto, à la Zecca, leurs pilules et leurs essences, et qui empoisonnaient les malades au lieu de les guérir. Ils répandirent le bruit que j’avais fait un pacte avec Satan en personne, et la superstition populaire accueillit cette calomnie. Peu de temps après je fus arrêtée et tra-