à l’esprit satirique bien connu des Vénitiens le déterminât à tenir secret le début de cette union critique, il résolut enfin, d’accord avec Bodoeri, que le mariage serait conclu dans le plus grand mystère, et que plusieurs jours après la dogaresse serait présentée au peuple et à la seigneurie comme mariée à Falieri depuis long-temps, et récemment arrivée de Trévise, lieu supposé de son séjour, durant l’ambassade de Falieri à Avignon.
Tournons nos regards sur ce jeune homme élégamment vêtu et remarquable par sa beauté, qui se promène sur le Rialto, une bourse pleine de sequins à la main, et causant avec des Turcs, des Arméniens et des Grecs. Il détourne son front soucieux, s’arrête, reprend sa marche, puis revient sur ses pas et se fait enfin conduire en gondole à la place Saint-Marc, qu’il parcourt d’un pas lent et incertain, les bras croisés, les yeux tournés vers la terre, et sans remarquer maint chuchottement, mainte petite toux affectée qui s’échappe des fenêtres sous lesquelles il passe, sans se douter que ce sont autant de signes d’amour qu’on lui adresse de ces balcons richement drapès. — Qui reconnaitrait dans ce personnage l’Antonio qui, peu de jours avant, gisait, couvert de haillons, pauvre et misérable, sur le pavé de marbre de la douane ?
« Mon fils ! mon fils chéri, Antonio ! — bonjour, bonjour ! » — Ce fut ainsi que cria la vieille mendiante assise sur les marches de l’église Saint-