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rentré, de retour du grand conseil, dans ses appartements, que l’adroit Bodoeri, sans doute intéressé sous plus d’un rapport à voir sa nièce siéger comme dogaresse aux côtés de Falieri, la lui amena secrètement. À l’aspect de cette fille angélique, le vieux Falieri, tout troublé de sa beauté merveilleuse, eut à peine la force, en balbutiant quelques mots inintelligibles, de faire la demande de sa main. Annunziata, probablement prévenue par Bodoeri, s’agenouilla en rougissant devant le vieillard couronné. Elle prit sa main qu’elle pressa contre ses lèvres et dit à voix basse : « Oh ! mon seigneur, est-il vrai que vous daignez m’admettre à l’honneur de monter sur le trône ducal à vos côtés ? — La profonde vénération de votre fidèle servante ne finira qu’avec ses jours. » — Le vieux Falieri était hors de lui de joie et de bonheur. Quand Annunziata saisit sa main, il sentit un frémissement dans tous ses membres, puis il trembla de la tête aux pieds et fut obligé de s’asseoir au plus vite dans son grand fauteuil. C’était un évident démenti à la bonne opinion, émise par Bodoeri, sur la vigueur du vieillard octogénaire. Aussi celui-là ne put-il retenir le singulier sourire qui vint errer sur ses lèvres ; mais l’innocente et naïve Annunziata ne s’aperçut de rien, et par bonheur que cette scène n’avait pas d’autres témoins.

Soit que le vieux doge Falieri, à l’idée de se montrer au peuple comme le nouvel époux d’une fille de dix-neuf ans, sentit l’inconvenance de cette situation, soit que la crainte intérieure de donner prise