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sent dans ta tête depuis que le bonnet recourbé la couvre ? » — Falieri, comme réveillé d’un rêve, alla au-devant du vieillard avec une affabilité simulée ; il sentait fort bien que c’était à Bodoeri qu’il devait son bonnet ducal et les paroles de celui-ci semblaient le lui rappeler. Mais toute obligation pesait à son caractère orgueilleux et absolu, et ne voulant pourtant pas éconduire ainsi que le pauvre Antonio le doyen des sénateurs, un ami éprouvé, il se contraignit pour lui adresser quelques mots de remerciment, et s’empressa de parler immédiatement des mesures qu’il fallait opposer aux progrès continus de l’ennemi. — « Quant à cela, interrompit Bodoeri en souriant avec malice, quant à cela et à tout ce que l’état réclame de toi, nous y penserons mûrement dans quelques heures, au sein du grand conseil. Je ne suis pas venu de si bon matin pour aviser avec toi aux moyens de battre l’audacieux Doria, ou de mettre à la raison l’Hongrois Louis, qui convoite de nouveau nos villes maritimes de Dalmatie. Non, Marino, c’est à toi seul que j’ai songé, et le motif de ma visite, tu ne le devinerais peut-être pas ? c’est ton mariage. — Oh ! répliqua le doge, se levant brusquement et tournant le dos à Bodoeri pour regarder la mer, quelle idée de penser à cela ! Nous sommes loin encore du jour de l’Ascension ; mais alors, je l’espère, l’ennemi aura été vaincu, le lion adriatique, le favori des flots, aura acquis, par sa glorieuse victoire, de nouvelles richesses et un degré de puissance de plus : et la chaste fiancée trouvera l’époux digne d’elle !

— Ah ! dit Bodoeri en l’interrompant avec impa-