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der à une armée joyeuse qui serait sortie du sein de la mer avec son chef superbe. Le soleil couchant projetait sur la mer et sur Venise des rayons de feu figurant un vaste embrasement. — Mais, tandis qu’Antonio, oubliant tous ses soucis, était absorbe par ce ravissant aspect, l’horizon devenait de plus en plus rouge, un sourd murmure bruissait dans l’air, et des profondeurs des eaux un écho terrible semblait y répondre. La tempête arriva sur des nuages sombres et tout fut enveloppé d’une épaisse obscurité, tandis que les vagues bouillonnaient, s’élevaient et tombaient pour remonter plus haut, menaçant, avec des sifflements aigus, de tout engloutir sous leurs masses couronnées d’écume. Les barques et les gondoles était ballottées sur la mer comme des plumes éparses, et le Bucentaure, impropre à lutter contre la tempête avec son fond plat, était balancé au gré des vagues. En place des joyeuses fanfares des trompettes et des clairons, on entendait des cris d’angoisse qui perçaient à travers le fracas de la tempête.

Antonio contemplait ce tableau d’un regard fixe, quand un bruit de chaines résonna tout près de lui ; il baissa les yeux, un petit canot enchainé au mur du quai était secoué par les flots ; soudain une pensée lumineuse traversa son esprit, il saute dans le canot, le démare, saisit l’aviron qui s’y trouve, et prend hardiment sa course en pleine mer droit sur le Bucentaure. À mesure qu’il approchait il distinguait mieux les appels de secours qui partaient du bâtiment : « Arrive ! — arrive ! sauvez le doge, sau-