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réveilla avec une nouvelle violence, et il dévora avidement le pain et les poissons. Cependant la vieille était occupée à dérouler les chiffons appliqués au bras malade, et elle le trouva en effet grièvement meurtri, mais la plaie était déjà à demi cicatrisée. Après y avoir étendu, en l’échauffant de son haleine, de l’onguent qu’elle prit dans une petite boite, elle demanda : « Mais qui donc t’a frappé si rudement, mon pauvre garçon ? » Antonio, complètement remis et ranimé d’une nouvelle vigueur, s’était levé tout debout ; il s’écria, les yeux flamboyants et le poing droit levé : « Ah ! c’est cet infâme Nicolò qui a voulu m’assommer, parce qu’il envie chaque misérable quattrino que me jette une main bienveillante ! Tu sais, la vieille, que je gagnais péniblement ma vie en aidant à porter les ballots des navires et des barques au magasin des Allemands, dans le Fontego. Tu connais bien cette maison ? »

Mais Antonio n’eut pas plutôt prononcé ce nom de fontego, que la vieille se mit à éclater de son rire déplaisant, et à marmotter coup sur coup : « Fontego, fontego, fontego ! — Laisse-là ton rire stupide, vieille ! si tu veux que je raconte, » s’écria Antonio avec emportement. — La vieille se tut soudain, et Antonio continua : « J’avais récolté plusieurs quattrini, je m’étais acheté une veste neuve, je faisais tout-à-fait bonne mine, et je pris le métier de gondolier. Comme j’étais toujours de belle humeur, travaillant bravement et sachant par cœur mainte jolie chanson, je gagnais, par-ci, par-là, quelques quattrini de plus que les autres. Mais les camarades en