calomniateurs, qu’il faut attribuer son air d’hilarité, le feu de son regard et la rougeur qui colore ses traits plutôt au vin de Chypre qu’à sa vigueur naturelle : mais n’attachez à cela aucune valeur, souvenez-vous seulement de quel brillant courage Marino Falieri a fait preuve comme provéditeur de noire flotte sur la mer Noire, considérez quels éminents services avaient pu décider les procurateurs de Saint-Marc à donner en récompense à Falieri le riche comté de Val de Marino ! » — Ce fut ainsi que Bodoeri fit valoir les mérites de Falieri, en prévenant adroitement toutes les objections, jusqu’a ce qu’enfin toutes les voix se réunirent pour son élection. Quelques-uns, il est vrai, élevèrent encore de vives réclamations sur le caractère emporté et bouillant de Falieri, sur sa soif de domination jalouse, sur son opiniâtreté inflexible ; mais on leur répondait : « C’est précisément parce que la vieillesse a corrigé ces défauts du jeune Falieri que notre choix se repose sur le vieillard. » Ce qui mit un dernier terme à toutes les critiques, ce fut la joie inouie, exagérée et folle que manifesta le peuple en apprenant l’élection du nouveau doge. — Ne sait-on pas qu’en pareille circonstance, dans un tel conflit d’embarras et d’appréhensions, une résolution quelconque, pourvu qu’elle soit décisive, apparaît comme une inspiration du ciel ?
Il arriva donc que le bon petit comte, malgré sa bonté et sa douceur, fut complètement oublié, et que chacun allait disant : « Par saint Marc ! ce Marino aurait dû depuis long-temps être pris pour doge, et