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sante, il n’accueille pas avec ravissement, pour son gendre, un artiste tel qu’Antonio Scacciati, comblé de gloire et d’honneurs, comme le méritent ses talents estimés de l’Italie entière. »

Le trouble et l’émotion intérieurs du vieux étaient visibles ; il soupirait, il gémissait, se voilait le visage de ses deux mains. Toricelli continuait à lui adresser les discours les plus persuasifs, Marianna redoublait ses instances de la manière la plus tendre, et, tandis que le reste de la compagnie faisait valoir, à qui mieux mieux, et Antonio et Salvator, le vieux promenait ses regards, tantôt sur sa nièce, tantôt sur Antonio, dont les habits somptueux et les riches chaines d’honneur prouvaient ce qu’on lui avait dit touchant sa brillante réputation d’artiste.

La dernière nuance de courroux disparut enfin des traits du vieillard, il se leva, le plaisir dans les yeux, et pressant Marianna sur son cœur : « Oui, s’écria-t-il, je te pardonne, ma chère enfant. — Je vous pardonne, Antonio ! loin de moi l’idée de troubler votre bonheur. — Vous avez raison, mon digne signor Toricelli, Formica m’a fait voir sur la scène tous les chagrins, toute l’infortune qui m’auraient accablé si j’avais exécuté mon projet insensé. Je suis guéri, tout-à-fait guéri de ma folie ! Mais où est donc signor Formica ? où est mon respectable médecin, que je le remercie mille fois d’une conversion qui n’est due qu’à lui seul. L’effroi qu’il a su m’inspirer a changé le fond de mon âme. »

Pasquarello s’avançait, Antonio se jeta à son cou en s’écriant : « Ah ! signor Formica, vous à qui je