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pour elle et pour Antonio, à qui elle était liée par la consécration de l’église.

La pâleur mortelle qui couvrait le visage du vieillard disparut sous la rougeur enflammée qui peignit sa rage subite ; ses yeux étincelaient, et il cria d’une voix à demi-étouflée : « Ah ! infâme ! Ah ! serpent venimeux que je nourrissais dans mon sein pour mon malheur ! » — Mais le vieux et grave Toricelli, se posant avec dignité devant Capuzzi, lui dit qu’il venait de voir sur la scène quel sort l’attendait, lui Capuzzi, et devait le priver de toute espérance, s’il osait persister dans ses funestes projets contre le bonheur de Marianna et d’Antonio. Il dépeignit ensuite, avec les plus vives couleurs, l’égarement et la folie des vieillards amoureux, qui s’attirent eux-mêmes le plus horrible malheur qui puisse affliger un homme, celui de voir le dernier sentiment d’amour, qui pouvait luire en leur cœur, devenir l’instrument de leur perte, et leur personne en butte à la haine et au mépris universels.

En même temps la charmante Marianna, par intervalles et de la voix la plus pénétrante, disait : « Oh ! mon oncle, je veux vous honorer et vous aimer comme mon père. C’est la mort que vous me donnerez en me séparant de mon Antonio ! » — Et tous les poètes qui entouraient le vieillard s’écriaient d’une seule voix : « Il est impossible que l’honorable signor Pasquale Capuzzi di Senigaglia, si enthousiaste des beaux-arts, et lui-même le premier des artistes, ne se laisse pas fléchir ; il est impossible que, traité en père par la femme la plus sédui-