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cipita, hors d’haleine et pâle comme la mort, dans l’atelier de Salvator. « Salvator ! s’écria-t-il, mon ami !… mon protecteur !… je suis perdu si vous ne me secourez. — Pasquale Capuzzi est ici ; il a obtenu un ordre d’arrestation contre moi comme ravisseur de sa nièce.

« Mais, dit Salvator, que peut-il faire maintenant contre vous ? votre union avec Marianna n’est-elle pas consacrée par l’église ?

« Ah ! répondit Antonio avec l’accent du désespoir, la bénédiction même de l’église ne saurait me préserver. — Dieu sait quel chemin le vieux a trouvé pour aborder le neveu du pape. Bref, c’est ledit neveu qui l’a pris sous sa protection, et lui a fait espérer que le saint Père prononcerait la nullité de mon mariage avec Marianna, en lui accordant, qui pis est, à lui-même, une dispense pour épouser sa nièce.

« Il suffit, interrompit Salvator, je comprends tout maintenant : c’est la haine du neveu du pape contre moi qui vous sera peut-être fatale ! Apprenez que ce rustre lourdaud, hautain et brutal, m’avait servi de modèle pour l’un des animaux de mon tableau satirique de la Fortune. Il sait, et Rome entière sait avec lui, du reste, que c’est moi qui ai manœuvré, par l’entremise d’autrui, l’enlèvement de votre Marianna, et l’impossibilité de se venger de moi leur a été un prétexte suffisant de vous molester. — Antonio ! si je ne vous tenais déjà pour mon intime et meilleur ami, la mauvaise aubaine que je vous ai attirée suffirait pour déterminer mon dévoue-