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vigueur et d’agilité qu’il n’en avait jamais eues ; d’un seul bond il fut sur la scène, l’épée à la main, et il s’élançait pour frapper le feint Antonio, quand il se sentit retenu par derrière. Un officier de la garde papale s’assura de sa personne, et lui dit d’un ton sévère : « Souvenez-vous, signor Pasquale, que vous êtes au théâtre de Nicolo Musso ; sans vous en douter, vous y avez joué ce soir un rôle délicieux. » — Les deux acteurs que Capuzzi avait pris pour Marianna et Antonio s’étaient approché avec tous les autres, et Capuzzi se trouva en face de visages complètement inconnus. Le fer s’échappa de sa main tremblante ; il ouvrit de grands yeux, porta la main à son front, et reprit haleine avec un long soupir, comme s’il sortait d’un songe pénible. Un vague pressentiment de ce qui s’était passé le saisit subitement, et, d’une voix qui fit trembler les murs de la salle, il cria : « Marianna ! »

Mais elle n’était plus à portée de l’entendre ; Antonio avait su trop bien saisir le moment où Pasquale, oubliant tout ce qui l’entourait et s’oubliant lui-même, cherchait querelle à l’Antonio supposé, pour se glisser près de Marianna à travers les spectateurs, et s’esquiver avec elle par une porte latérale. Là se tenaient tout prêts un vetturino et sa voiture. Ils partirent d’une course rapide sur la route de Florence.

« Marianna ! cria à tue-tête le vieux une seconde fois, — elle n’y est plus… elle s’est enfuie… le traitre d’Antonio me l’a volée !… Allons…, courons à sa poursuite. — Par pitié ! À moi, braves gens ! des