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d’une rougeur subite, mais pourquoi cet entretien ici, en pleine rue ? Prenez la peine, je vous prie, de monter quelques marches un peu raides : entrons ensemble chez moi. »

À peine arrivé dans sa chambre avec Nicolo, le vieux déterra un gros ballot poudreux de cahiers notés, le dénoua, s’empara de sa guitare, et commença les hurlements les plus épouvantables qu’il baptisa du nom de mélodie. Nicolo gesticulait comme un frénétique ; il soupirait, il gémissait, et criait, de moment en moment, bravo ! bravo ! bravissimo ! benedetissimo Capuzzi ! jusqu’à ce que tombant à terre, comme dans l’excès d’un délire enchanteur, il embrassa les genoux de Pasquale si brusquement, que le vieux fit un bond en l’air et s’écria avec l’accent d’une douleur aiguë : « Lâchez-moi, au nom de tous les saints ! lâchez-moi, signor Nicolo, vous m’assassinez !

« Non, s’écria Nicolo ! je ne me releverai pas, signor Pasquale ! que vous ne m’ayez promis cet air divin que vous venez de chanter, pour que Formica puisse, après demain, le faire entendre sur mon théâtre.

« Vous êtes un homme de goût, murmurait Pasquale, un homme d’une pénétration profonde ; et à qui pourrais-je confier plus dignement qu’à vous mes compositions ? Vous emporterez tous mes airs avec vous ; mais lâchez-moi donc ! — Hélas, mon Dieu, je ne les entendrai pas mes précieux chefs-d’œuvre ! — Mais lâchez-moi donc, signor Nicolo.

« Non, reprit Nicolo toujours à genoux, et tenant