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à cette importante opération, la glace me parut terne et je soufflai dessus, comme cela se pratique, pour la rendre claire en la frottant après.—Tout mon sang se figea dans mes veines et tout mon être frémit d’une voluptueuse horreur !! Oui, c’est ainsi que je dois appeler la sensation qui m’accabla lorsque j’aperçus sur la glace où se jouait mon haleine, comme dans un brouillard bleuâtre, la céleste figure qui dirigeait sur moi son regard perçant et plein d’une amère tristesse....

Vous riez. — C’en est fait, vous ne voyez plus en moi qu’un visionnaire incurable ; mais riez, dites, pensez tout ce qu’il vous plaira ! Bref, je vis mon ange dans le miroir ; mais dès que l’empreinte démon haleine disparut, la figure s’évanouit également.—Je ne veux pas vous fatiguer en vous énumérant toutes les réflexions qui se succédèrent dans mon esprit. Qu’il vous suffise de savoir que je ne me lassai point dé réitérer l’expérience de l’haleine projetée sur le miroir, et que je réussis souvent à évoquer l’image bien-aimée, quoique parfois je fisse de vains efforts pour obtenir ce résultat. Ët puis, je courais comme un fou dans l’avenue, et je me promenais devant la maison déserte en fixant mes regards sur les croisées, mais sans y voir paraître aucun visage humain. Penser à elle faisait toute ma vie, j’étais mort à tout le reste ; je négligeais mes amis, mes études. Si cette vive préoccupation dégénérait quelquefois en rêverie moins pénible, en molle langueur, si là vision paraissait perdre sur moi de son influence énergique, cet état passager était bientôt compensé par des1