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à nu devant moi sans défiance, viennent fournir amplement matière à l’ironie et à la pitié que provoque la ridicule et nauséabonde fatuité qui vous distingue.

MOI.

Les hommes ne t’ont-ils donc jamais fait aucun bien, que tu invectives si amèrement toute l’espèce ?…

BERGANZA.

Mon cher ami, durant ma vie, déjà passablement longue, j’ai reçu maint et maint bienfait, dont j’étais indigne peut-être, et je garde un souvenir reconnaissant de chaque plaisir ou de chaque bonne aubaine que m’ont procurés sans intention celui-ci ou celui-là ; remarque bien : j’ai dit sans intention ! Il y a selon moi beaucoup à dire sur ce que vous appelez faire du bien. Celui qui me gratte le dos ou me chatouille délicatement les oreilles, ce qui me fait toujours éprouver un bien-être indéfinissable, ou bien celui qui me gratifie d’un bon morceau de rôti pour s’amuser à me faire rapporter sa canne lancée loin de lui, et quelquefois en pleine eau, ou pour m’engager à faire le beau en m’asseyant sur mes pattes de derrière (manœuvre que je hais mortellement), penses-tu que l’un ou l’autre passe à mes yeux pour m’avoir fait du bien ? C’est un prêté-rendu, un échange, un contrat où il ne peut être question ni de bienfait ni de gratitude. Mais le crasse égoïsme des hommes fait que chacun se borne