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de pouvoir ainsi causer tête à tête avec ce cher Berganza !

» Assez ! assez ! s’écria Berganza. Et moi aussi, j’éprouve un grand plaisir à retrouver ici, justement dans un moment où je jouis de la faculté de parler, une de mes vieilles connaissances, l’homme habitué depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois déjà, à venir perdre son temps au milieu de ce bois, l’homme à qui il vient quelquefois une idée bouffonne, plus rarement une idée poétique, qui a toujours le gousset vide, mais d’autant plus souvent un verre de vin de trop dans la tête, qui fait de méchants vers et de bonne musique, que la plupart des gens ont pris en grippe à cause de ses singularités, que…

— » Chut ! chut ! Berganza ! je vois que tu ne me connais que trop bien, et je dépose avec toi toute cérémonie. — Mais avant de me raconter (comme j’espère que tu le feras) par quel miracle tu existes encore, et comment tu es venu de Valladolid jusqu’ici, dis-moi, je te prie, ce qui parait évidemment te choquer dans ma manière d’être.

» Il ne s’agit pas de cela maintenant, dit Berganza, j’ai la plus grande estime pour tes efforts littéraires et ton sentiment poétique. — Je suis sûr, par exemple, que tu feras imprimer notre dialogue d’aujourd’hui : c’est pourquoi je veux m’appliquer à me montrer du beau côté, et à m’exprimer le plus élégamment qu’il me sera possible. Mais, mon ami ! crois-moi, c’est un chien mûri par l’expérience qui te le dit : ton sang coule avec trop d’impétuosité