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Contes

Érasme resta tout étourdi, ayant dans sa main le bouton d’acier qu’il avait arraché au drôle habillé de rouge. – « C’était le docteur aux miracles, signor Dapertutto, dit le valet ; que vous voulait-il donc, monsieur ? » Mais Érasme frémit en lui-même, et, sans répondre, il se hâta de gagner son logis.


Giulietta accueilli Érasme avec la grâce ravissante et l’amabilité qui lui étaient propres. À la passion frénétique dont Érasme était enflammé, elle n’opposait que de la douceur et des manières indifférentes. De temps en temps, pourtant, ses yeux étincelaient d’un plus vif éclat ; et lorsqu’elle lançait à Érasme un de ces regards perçants, il se sentait pénétré jusqu’au fond de son être d’un vague et étrange frisson. Jamais elle ne lui avait dit qu’elle l’aimait, et cependant toute sa conduite et ses pro cédés envers lui le lui faisaient évidemment com prendre. C’est ainsi qu’il se trouva de plus en plus étroitement enlacé dans cet amour. Une véritable vie extatique commença pour lui, et il ne voyait plus que fort rarement ses amis, Giulietta l’ayant introduit dans une société tout-à-fait étrangère.

Un jour il fut rencontré par Frédéric, qui lui prit le bras malgré lui, et lorsqu’il l’eut bien adouci et attendri par maint souvenir touchant de sa famille et de sa patrie, il lui dit : « Sais-tu bien, Spikher, que tu es tombé dans une fort dangereuse société ? Tu dois pourtant bien avoir reconnu déjà que la belle Giulietta est une des plus rusées courtisanes