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de Hoffmann

colère s’évanouit sous l’impression d’une tristesse profonde. Une brève explication suffit pour me persuader que le portier m’avait par mégarde ouvert la chambre occupée d’avance par le petit homme, et que par conséquent c’était sur moi que retombait l’inconvenance d’avoir troublé son sommeil de la sorte.

« Monsieur, me dit le petit, je dois vous avoir paru bien extravagant et bien fou ce soir au cabaret. Mais il faut attribuer ma conduite à une influence prestigieuse qui souvent s’empare de moi, et qui, je ne puis le dissimuler, me fait méconnaître les lois de la bienséance et de la politesse. Pareille chose ne vous est-elle pas arrivée quelquefois ? – Hélas oui, répondis-je timidement ; pas plus tard que ce soir, lorsque j’ai revu Julie. – Julie ? » s’écria le petit homme avec un glapissement affreux. Et une crispation convulsive vint m’offrir subitement l’aspect de son visage de vieillard. – « O laissez-moi dormir !… reprit-il ; ayez donc la bonté de couvrir la glace, mon cher monsieur. » Il prononça ces derniers mots d’une voix très-basse, le visage contre son oreiller.

« Monsieur ! lui dis-je, ce nom d’une femme que j’aimais et que j’ai à jamais perdue paraît vous causer une impression singulière ; en outre, les traits agréables de votre visage subissent fréquemment, il me semble, d’étranges variations. Quoi qu’il en soit, j’espère pouvoir passer auprès de vous une nuit tranquille. Je vais donc tout de suite recouvrir la glace et me mettre au lit. » Le petit se mit sur son