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car je savais qu’il était fort pauvre avant qu’il n’eût fait un riche héritage. Alors je réclamai la restitution de mes avances. Croiriez-vous, chevalier, que le coupable étourdi, qui me devait son existence, osa nier la dette, et me traita de misérable avare lorsqu’il fut réduit après sentence à s’acquitter envers moi ? — Je pourrais vous raconter encore plusieurs traits semblables qui m’ont rendu l’âme dure et insensible pour la prodigalité et la bassesse. Bien plus ! je pourrais vous dire que plus d’une fois j’ai séché des larmes amères, et que mainte prière, pour moi et pour mon Angela, est montée au ciel ; mais cela passerait à vos yeux pour une vanterie sans fondement, et d’ailleurs vous n’en feriez aucun cas, car vous êtes un joueur. — Je crus avoir apaisé enfin la puissance éternelle : vaine illusion ! puisqu’il fut permis à Satan de m’éblouir d’une manière plus funeste que jamais. — J’entendis parler de votre bonheur, chevalier ; chaque jour j’apprenais que tel ou tel ponte à votre banque avait perdu jusqu’à son dernier écu : il me vint alors à l’esprit que mon bonheur au jeu si persévérant était réservé à balancer le vôtre et qu’il dépendait de moi de mettre un terme à vos bénéfices. Dès lors cette pensée, qui ne pouvait provenir que d’une folie singulière, ne me laissa plus ni repos, ni trêve. C’est ainsi que je fus provoqué à jouer contre vous, c’est ainsi que je fus aveuglé par cette horrible fascination jusqu’à ce que ma fortune, ou plutôt la fortune de mon Angela, eût passé entre vos mains ! — À présent tout est fini ! — Ne permettrez-