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mots, et ses regards étaient animés d’une colère farouche. Le sang me monta à la tête. Je voulais parler, mais il ne le permit pas. « Je ne sais ce que vous voulez dire, continua-t-il, mais ce que je sais, ce que je vous répète, c’est que vous étiez en chemin de faire mourir ma femme, et que je ne puis cependant vous l’imputer à crime, quoique je doive prendre des mesures pour y remédier, comme vous pouvez aisément le comprendre. Bref ! votre musique et votre chant ont exalté outre-mesure l’imagination de ma femme, et lorsque sur cette mer sans fond des pressentiments et des visions chimériques elle flotte à l’aventure sans gouvernail et sans soutien, vous lui portez le dernier coup, par la relation d’une histoire de revenants qui vous est arrivée, dites-vous, là-haut, dans la salle d’audience. — Votre grand-oncle m’a tout raconté, mais, je vous prie, répétez-moi vous-même tout ce que vous avez vu ou cru voir, tout ce que vous avez entendu, tout ce qui vous a frappé enfin, et ce que vous avez supposé. »

Je rassemblai mes forces, et je racontai avec calme au baron de point en point ce qui s’était passé. Le baron laissait seulement échapper de temps à autre quelques interjections qui exprimaient sa surprise. À l’endroit de mon récit où je peignis mon grand-oncle luttant contre le revenant avec un pieux courage, et celui-ci obligé de céder à l’énergie de ses conjurations, le baron leva au ciel ses deux mains jointes et s’écria d’un air inspiré : « Oui ! c’est vraiment le génie tutélaire de la famille ! je veux que