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tous empressés et joyeux ; là résonnaient le bruit des coupes entrechoquées et les gais refrains des chasseurs, là une musique animée présidait aux plaisirs de la danse : partout enfin éclataient les rires et la joie, elle château ressemblait ainsi, durant un mois ou six semaines, plutôt à une vaste auberge de grande route bien achalandée qu’à la demeure attitrée d’un noble seigneur.

Le baron Roderich profitait de ce séjour passager pour consacrer le plus de temps qu’il pouvait aux affaires sérieuses, en se dérobant au tumulte de sa société, et pour s’acquitter des devoirs imposés au titulaire du majorat. Non seulement il se faisait rendre un compte exact des revenus, mais il discutait aussi chaque proposition tendant à l’amélioration des choses, et accueillait, de la part de ses vassaux, les moindres réclamations, s’efforçant de faire droit à chacun, et de tout accommoder le mieux possible suivant la raison et l’équité. Il était loyalement secondé dans cette tâche délicate par le vieux avocat V., qui tenait sa charge, de père en fils, comme justicier des domaines de cette province, et qui d’ordinaire partait huit jours avant le temps fixé pour l’arrivée du baron sur les terres du majorat.

L’année 179… avait ramené l’époque du voyage pour R....sitten. Tout vaillant qu’il fût encore, le vieillard septuagénaire pensa qu’une main auxiliaire ne lui serait pas superflue. Un jour, comme en plaisantant, il me dit : « Cousin ! (j’étais son petit neveu, mais il m’appelait ainsi à cause de la conformité de nos prénoms,) cousin, il me semble