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tu me prêteras, Olivier, un serment sacré, la main posée sur la croix du Christ ; tu jureras de détruire, aussitôt après ma mort, toutes ces richesses par des procédés que je te ferai connaître plus tard ; je ne veux pas qu’un être humain quelconque, et bien moins encore Madelon et toi, possède jamais ce fruit du sang versé !”

» Ainsi enlacé dans ce labyrinthe du crime, palpitant à la fois d’horreur et d’amour, de volupté et d’épouvante, j’étais à comparer à un damné qu’un ange ravissant provoque d’un doux sourire à monter à lui, tandis que Satan le retient serré sous ses griffes brûlantes, et que pour l’infortuné ce sourire d’amour du bon ange, où se réfléchit toute la béatitude des cieux, devient le plus atroce des tourments ! — Je pensai à la fuite, à un suicide, mais Madelon ! — Blâmez-moi..., blâmez-moi, ma digne demoiselle, d’avoir manqué de la force nécessaire pour surmonter une passion qui m’enchaînait au crime ; mais n’en suis-je pas assez puni par la mort ignominieuse qui m’attend !

» Un jour, Cardillac rentra au logis plein d’une gaîté extraordinaire ; il accablait Madelon de caresses, il me prodiguait les regards les plus bienveillants, il but à table un flacon de vin vieux, ce qu’il n’avait l’habitude de faire qu’aux jours de grande fête, il chantait, il était radieux. Madelon nous avait quittés, et moi j’allais rentrer à l’atelier. “Reste assis, mon garçon, s’écria Cardillac ; plus de travail pour aujourd’hui, buvons un coup à la santé de la plus digne, de la plus excellente dame de Paris.”