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elle eut grandi, il se rencontra un jeune homme honnête et bien fait, nommé Claude Brusson, qui demanda la jeune fille en mariage. Comme c’était un horloger fort habile, qui devait largement trouver à gagner sa vie à Paris, et Anne l’aimant aussi de tout son cœur, mademoiselle de Scudéry n’hésita pas un instant à consentir au mariage de sa fille adoptive. Les jeunes gens s’établirent, vécurent dans la paix d’un heureux ménage, et, ce qui vint resserrer encore leur mutuel amour, Anne mit au monde un superbe garçon, vivant portrait de sa charmante mère.

Mademoiselle de Sciidéry idolâtrait le petit Olivier, qu’elle enlevait à sa mère des heures, des jours entiers pour le caresser et le choyer. Il arriva ainsi que l’enfant s’habitua tout à fait à elle, et restait aussi volontiers près d’elle que de sa mère. Trois années s’étaient écoulées, lorsque les confrères de Brusson s’étant ligués contre lui par envie, il se vit bientôt privé de travail, et réduit peu-à-peu à une telle gêne, qu’il pouvait à peine se procurer sa nourriture de chaque jour. Tourmenté, en outre, du vif désir de revoir Genève, sa douce patrie, il se décida enfin à aller s’y établir avec sa petite famille, et partit malgré les instances de mademoiselle de Scudéry qui lui promettait tous les secours possibles. Anne écrivit encore deux ou trois fois à sa mère d’adoption, puis elle garda le silence, et la demoiselle l’excusa, en pensant que son heureuse condition dans le pays de son époux avait effacé dans son esprit tous les souvenirs de sa vie passée. —