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disait Paphnutius plein de dépit, le Dschinnistan est peut-être un bien plus beau royaume que le mien : et elles se moquent de moi avec mon édit de propagation des lumières, puisqu’il ne doit porter ses fruits qu’après leur départ. » Il fallut que le géographe et l’historien de la cour fissent un rapport circonstancié sur le pays en question. Tous les deux s’accordèrent à dire que le Dschinnistan était une contrée pitoyable, inculte, sans lumières, à l’état sauvage, dépourvue d’acacias et de vaccin. Ils concluaient même par dire qu’elle n’existait pas du tout, et qu’il ne pouvait certes rien arriver de pire à un homme ou à un pays que de ne pas exister du tout.

Paphnutius se sentit tranquillisé.

Lorsque le joli bois fleuri où était situé le palais de la fée Rosabelverde eut été abattu, et que, pour donner l’exemple, Paphnutius lui-même eut inoculé le vaccin à tous les rustauts du village voisin, la fée alla guetter le prince dans un bois qu’il devait traverser pour retourner à son château, avec son ministre Andrès. Là, elle le serra de si près à l’aide de belles paroles, et en le fascinant par quelques tours d’adresse, dont elle avait dérobé le secret aux perquisitions de la police, qu’il la supplia au nom du ciel de vouloir bien consentir à faire partie du seul et par conséquent du meilleur chapitre de demoiselles nobles du pays, lui engageant sa parole qu’elle y serait absolument maîtresse de ses volontés, sans être tenue d’avoir aucunement égard à l’édit de propagation des lumières.