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penser le moindre mal de la demoiselle de Rosebelle, sous peine d’une grave correction corporelle. Ceux-ci y regardèrent de près, et, dans la crainte de voir cette menace réalisée, ils pensèrent depuis lors un bien infini de la chanoinesse, ce qui eut à la fois et pour eux et pour la demoiselle de Rosebelle les conséquences les plus salutaires.

Dans le cabinet du prince on savait fort bien que la demoiselle de Rosebelle n’était personne autre que la fée jadis bien connue Rosabelverde. Voici ce qui en était. — Autrefois on n’aurait pas pu trouver sur tout le globe un plus délicieux pays que la petite principauté où était située la propriété du baron Prætextatus Clair-de-Lune, où la demoiselle de Rosebelle avait établi son séjour, où se sont passés enfin les événements dont je suis en train, bien-aimé lecteur, de te faire le récit détaillé.

À voir ce petit pays entouré d’une chaîne de hautes montagnes, avec ses forêts verdoyantes et embaumées, ses vallons fleuris, ses bruyants torrents et ses sources limpides murmurant des accords joyeux, alors qu’il n’y avait pas encore de villes, mais seulement de riants villages, et çà et là des palais isolés, on pouvait se croire au milieu d’un jardin charmant et merveilleux, où les habitants se promenaient pour leur plaisir, libres de tous les soucis qui aggravent le fardeau de la vie. Chacun savait que le prince Démétrius régnait sur le pays, personne toutefois ne s’apercevait en rien de l’action du gouvernement, et tous en étaient parfaitement contents.