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que à trente-deux quartiers, et pourquoi il la conjura enfin au nom du ciel, d’un air contrit et les larmes aux yeux, de changer au moins son nom de Rosebeauvert en celui de Rosebelle, qui laissait encore quelque chance d’établir en sa faveur les preuves d’une descendance convenable. — Elle y consentit pour ne pas le désobliger.

Peut-être que la rancune nourrie par Prætextatus contre la demoiselle dépourvue d’aïeux porta ses fruits d’une manière ou d’une autre, et qu’elle répandit la première semence des méchants bruits auxquels la chanoinesse devint de plus en plus en butte dans le village. À ses entretiens magiques dans la forêt, qui n’avaient d’ailleurs rien de plus suspect, les propos médisants qui circulèrent bientôt de bouche en bouche ajoutèrent en effet mille circonstances équivoques, capables de jeter les plus défavorables préventions sur la véritable nature de la belle demoiselle.

La mère Anne, la femme du maire, soutenait hardiment que toutes les fois que la chanoinesse éternuait fortement à sa fenêtre, le lait aigrissait dans tout le village. Mais à peine ce maléfice fut-il constaté qu’un incident bien plus terrible arriva. Le petit Michel, fils du maître d’école, était allé chipper dans la cuisine du chapitre des pommes de terre frites, et avait été pris sur le fait par la chanoinesse, qui le menaça du doigt en souriant. Depuis lors la bouche de l’enfant était restée entr’ouverte, de même absolument que s’il eût tenu entre les dents une pomme de terre brûlante ; et le pauvre diable était obligé de porter constamment un chapeau à larges