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Lise s’éloigna donc avec sa ramée, plus gaie et plus contente que jamais.

Quand même j’aurais pris le parti de n’en rien dire encore à présent, tu n’en soupçonnerais pas moins, lecteur bénévole, qu’il devait y avoir quelque chose de tout particulier sur le compte de la chanoinesse de Rosebelle, ou, comme elle s’appelait autrement, de Rosebeauvert. Car si le pasteur vit dans le petit Zacharie un enfant non moins beau qu’intelligent, et résolut si subitement de le traiter comme son propre fils, cela n’était dû qu’à l’effet mystérieux des caresses de la demoiselle, et à ces cheveux si bien lissés et bouclés sur la tête de l’enfant. Toutefois, lecteur bien-aimé, tu pourrais peut-être, malgré ta parfaite pénétration, tomber dans de fausses suppositions, ou même, au grand détriment de cette histoire, sauter plusieurs feuillets, afin de savoir tout de suite à quoi t’en tenir sur la merveilleuse chanoinesse. Je ferai donc mieux de te raconter immédiatement tout ce que je sais moi-même sur la digne demoiselle.

Mademoiselle de Rosebelle avait une haute stature, une taille noble et majestueuse, et des manières tant soit peu altières et impératives. L’aspect de son visage, quoiqu’il fût d’une beauté parfaite, causait parfois, lorsqu’elle regardait devant elle, suivant son habitude, d’un œil immuable et sérieux, une impression singulière et presque sinistre. Cela semblait surtout devoir être attribuée à un linéament placé entre ses deux sourcils tellement étrange