Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’éloignèrent, non sans qu’Émanuela n’eût adressé à Euchar de ses beaux yeux le regard le plus expressif, tandis que le vieux Cubas se confondait en révérences cérémonieuses et grotesques.

Comme déjà les arbres dérobaient à la vue le couple bizarre, Euchar prit la parole : « Vois-tu, Ludwig, dit-il, que tu t’es trop pressé de porter la condamnation du pauvre nain ? Cet homme a, en effet, quelque chose de gitanique : il est de Lorca, comme il le dit lui-même. Or, tu sauras que Lorca est une ancienne ville mauresque ; et il serait impossible à ses habitants, du reste fort braves gens d’ordinaire, de dissimuler leur origine. Mais ils sont blessés au dernier point d’y voir faire allusion, et c’est pourquoi ils protestent sans cesse de leur qualité de vieux chrétiens. C’est ce que n’a pas manqué de faire celui-ci, dont la physionomie, tournée il est vrai en caricature, porte bien pourtant l’empreinte du caractère mauresque.

— Non ! s’écria Ludwig, je persiste dans mon opinion. Le drôle est un infâme coquin, et j’emploierai tous les moyens pour délivrer de ses griffes ma douce, ma pure Mignon !

— Tu peux tenir obstinément le petit homme pour un coquin, reprit Euchar, et moi de mon côté je n’ai pas grande confiance non plus dans ta douce et pure Mignon. — Que dis-tu ! s’écrie Ludwig impétueusement, Euchar ? ne pas avoir confiance dans cette chère et céleste enfant, dont les yeux réflètent la plus naïve innocence !… Mais c’est bien là l’homme glacial et prosaïque qui, loin d’être séduit par cette