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et indicible. Pendant que des larmes amères jaillissaient de ses yeux, ou plutôt de son cœur gonflé de tristesse, il croyait voir l’esprit du torrent lever ses regards vers lui et tendre hors des vagues ses bras tout blancs d’écume pour l’attirer dans l’humide abîme.

Mais un son clair et joyeux de cors retentit soudain dans le lointain, et vint frapper son oreille comme une voix consolatrice. Il sentit se ranimer en lui la vie du désir et de la douce espérance. Il laissa errer vaguement des regards autour de lui, et pendant que les cors continuaient à résonner, le vert feuillage du bois lui parut projeter une ombre moins triste, le sifflement du vent et le murmure des eaux ne lui semblèrent plus aussi lamentables, la parole lui revint.

« Non ! s’écria-t-il en se levant impétueusement et en jetant devant lui un regard enflammé, non, tout espoir n’est pas encore éteint. — Il n’est que trop certain qu’un sombre mystère, je ne sais quel sinistre enchantement, est entré pernicieusement dans mon existence ; mais je romprai ce charme funeste, dussé-je être victime de la lutte ! — Lorsque, cédant enfin au sentiment impérieux, irrésistible, qui me brisait la poitrine, je fis l’aveu de mon amour à la douce et charmante Candida, n’ai-je pas lu dans ses regards, n’ai-je pas senti à la pression de sa main tout mon bonheur ? Mais à peine le petit nain maudit paraît-il, que tout l’amour se reporte sur lui. C’est sur lui, l’exécrable avorton, que s’attachent les regards de Candida, et elle laisse échapper de son sein