Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Mosch Terpin s’était aussi levé de la table de jeu, et s’était approché de Cinabre. Il prit sa main, qu’il serra dans les siennes, et dit avec gravité : « Excellent jeune homme ! — Non, l’on ne m’a pas trop, l’on ne m’a pas assez vanté le haut génie qui vous caractérise.

» Mesdemoiselles, jeunes femmes, s’écria de nouveau le professeur d’esthétique dans le délire de l’enthousiasme, laquelle de vous récompense par un baiser le sublime Cinabre de ses vers, qui sont la plus parfaite expression des sentiments de l’amour le plus pur ? — » À cette invitation, Candida quitta sa place, s’approcha du petit les joues empourprées, et, s’agenouillant devant lui, l’embrassa sur ses vilaines lèvres bleuâtres.

Alors Balthasar, comme saisi d’un subit accès de folie, s’écria : « Oui, Cinabre, divin Cinabre ! c’est toi qui es l’auteur de la tendre élégie du Rossignol et de la Rose purpurine, tu as en effet mérité la sublime récompense qui t’est octroyée ! » — En même temps, il entraina Fabian dans la pièce voisine. « Fais-moi le plaisir, lui dit-il, de bien me regarder en face, et puis, dis-moi franchement et sur ton honneur si je suis ou non l’étudiant Balthasar, si tu es véritablement Fabian, si nous sommes dans la maison de Mosch Terpin, ou bien si nous rêvons, si nous sommes atteints de démence ? — secoue- moi, pince-moi le nez, et tâche de me réveiller de cette hallucination diabolique ! »

Fabian répliqua : « Comment, mon ami, peux-tu le livrer à tant d’extravagances par pure et évidente