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une pluie imprévue venait mettre obstacle à la promenade projetée, ou quand son châle neuf avait reçu quelque tache, en dépit de ses minutieuses précautions. Après tout, dans les circonstances qui le réclamaient elle faisait preuve d’un sentiment profond et vrai, mais qui ne devait jamais dégénérer en fade sensiblerie. Il se peut donc bien, cher lecteur, que la jeune fille nous convint à merveille, à toi ou à moi qui n’appartenons pas à la classe des rêveurs nébuleux ; et la chose était fort douteuse quant à l’étudiant Balthasar. Mais nous verrons bientôt jusqu’à quel point le prosaïque Fabian avait prophétisé juste ou non.

Balthasar ne put fermer l’œil de la nuit par excès d’inquiétude, et dans l’attente enivrante du lendemain. Quoi de plus naturel ? Tout plein de l’image de sa bien-aimée, il s’assit à son bureau, et écrivit un assez grand nombre de vers purs et harmonieux, où il peignait l’état de son âme dans un mystique récit des Amours du rossignol pour la rose purpurine. Il voulait emporter cette composition au thé littéraire de Mosch Terpin, et s’en servir pour frapper au cœur de l’innocente Candida, s’il pouvait profiter d’une occasion favorable.

Fabian sourit un peu lorsqu’il vint, suivant leurs conventions, chercher à l’heure fixée son ami Balthasar, et qu’il le trouva plus élégamment paré qu’il ne l’avait jamais vu. Il avait un col déchiqueté garni du plus beau point de Bruxelles, et un habit court en velours avec des manches tailladées. Il portait des bottes à la chevalière ou à la française