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même se pâme dans l’occasion, ou bien devienne aveugle passagèrement, ce qui est le symptôme le plus caractéristique de la plus exquise féminerie. Puis la susdite demoiselle doit encore chanter les vers du poète sur la mélodie qui coule de son propre cœur, et en devenir malade à l’instant. Elle se croit également obligée de faire des vers elle-même, mais d’affecter une grande confusion s’ils viennent à être répandus, quoiqu’elle les ait glissés de sa propre main, et mis au net en caractères délicats sur un papier très-fin et parfumé, dans la main du poète, qui, de son côté, devient aussi malade de ravissement : et cela est vraiment bien juste et bien naturel.

Mais il y a des ascétiques en poésie qui vont encore plus loin et trouvent contraire à toute délicatesse féminine qu’une jeune fille rie, mange et boive, et s’habille élégamment suivant les lois de la mode. Ils ressemblent presque à saint Jérôme, qui défend aux vierges de porter des pendants d’oreille et de manger du poisson. Elles ne doivent prendre, d’après la prescription du saint, qu’un peu d’herbe assaisonnée, avoir constamment faim sans y prendre garde, s’envelopper de vêtements grossiers et mal ajustés qui dérobent leur taille à la vue, et surtout choisir pour compagne une personne sérieuse, pâle, triste et un peu sale. —

Candida était de tout point une créature enjouée et naïve, et elle n’aimait rien tant qu’une conversation dont une gaîté franche et vivace faisait tous les frais. Elle riait du meilleur cœur de la moindre plaisanterie ; jamais elle ne soupirait, si ce n’est quand