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que soupirer et geindre et grimacer en pleurnichant comme s’il souffrait de crampes aiguës, et qui porte sur sa poitrine, à nu, quelque fleur fanée qui aura touché sa ceinture, ou bien le gant qu’elle aura perdu : bref, un sot extravagant et puéril !… Et c’est pour cela que tu me railles, Fabian ! Et c’est pour cela que peut-être bien tous les camarades se moquent de moi, et que je suis un objet de risée publique, moi et le monde enchanté de mes illusions, — et l’aimable, la charmante, — la céleste Candida… »

En prononçant ce nom, il sentit comme une lame de poignard s’enfoncer brûlante dans son cœur. Ah ! — c’est qu’il entendit en ce moment murmurer très-intelligiblement en lui-même la voix de sa conscience. C’est qu’en effet le voisinage de Candida l’attirait seul dans la maison de Mosch Terpin, c’est qu’il écrivait à son intention des vers passionnés, qu’il entaillait son nom chéri sur l’écorce des arbres, qu’il devenait muet en sa présence, réduit à soupirer et à gémir, qu’il portait sur sa poitrine des fleurs fanées qui avaient paré le sein de la bien-aimée, qu’il commettait donc enfin toutes les ridicules folies que Fabian pouvait lui reprocher. Ce fut seulement alors qu’il comprit bien de quelle ardeur inexprimable il aimait la belle Candida ; mais il ne pouvait s’empêcher de reconnaître en même temps que, par une bizarrerie constante, l’amour le plus pur, le plus vif, se formulait assez sottement dans les actions extérieures, ce qu’il fallait attribuer sans doute à l’élément d’ironie dont la nature a mis le germe dans toutes les manifestations de la vie humaine. Il