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un champion à tout venant, quant au courage et au bon comment. » En parlant ainsi, il souleva le nain en l’air, malgré sa vive résistance et ses gigotements, et l’assit d’à-plomb sur le cheval, qui partit soudain au trot avec son petit cavalier en hennissant de joie.

Fabian se tenait les côtes serrées et faillit étouffer de rire. — « Il y a de la cruauté, dit Balthasar, à se moquer d’un homme aussi affreusement disgracié de la nature que le petit cavalier qui trotte là-bas. S’il est réellement étudiant, il faut que tu te battes avec lui, et au pistolet encore, quoiqu’en violation de tous les usages universitaires ; car il ne peut assurément manier ni sabre ni fleuret. — Oh, de quelle manière sérieuse et lamentable tu prends tout cela, mon bon ami Balthasar ! Jamais il ne m’est venu à l’esprit de me moquer sans pitié d’un pauvre être rachitique. Mais, dis-moi, est-il permis à un pareil petit crapoussin d’aller ainsi sur un cheval dont les oreilles dépassent de beaucoup sa tête, de se mettre aux pieds des bottes aussi démesurément larges, de porter enfin une kurtka collante avec ces milliers de tresses, de glands et de houppes, et un bonnet de velours aussi prodigieux ? Lui est-il permis de prendre un air aussi arrogant, aussi rébarbatif, de chercher à tirer de sa poitrine des sons aussi rauques et aussi barbares ? Et n’est-il pas, je te le demande, tout naturel, devant tant de ridicules, de se moquer de lui comme d’un drôle fieffé ? — Mais il faut que je retourne à la ville, je veux être témoin de la rumeur que va susciter l’apparition de notre chevaleresque étudiant sur son superbe che-