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suis tenté de lui briser ses appareils, ses fioles et toute sa boutique. Mais ne sais-je pas que le singe s’obstine à vouloir jouer avec le feu, jusqu’à ce qu’il se soit brûlé les pattes ? Voilà, Fabian, quelles sensations pénibles m’assiègent et me serrent le cœur durant les leçons de Mosch Terpin : juge si je dois vous paraître ensuite plus chagrin et plus misanthrope que jamais. Il me semble alors que les maisons vont s’écrouler sur ma tête, et une anxiété indéfinissable me chasse hors de la ville. — Mais ici, ici un calme bienfaisant pénètre bientôt dans tout mon être. Couché sur le gazon fleuri, je laisse mes regards errer sur le vaste azur du ciel, et je vois passer au-dessus de moi, à travers le dôme gracieux du feuillage, les nuages dorés, comme des rêves enchanteurs d’un monde lointain et bienheureux ! Ô mon ami ! alors il s’élève de mon propre sein je ne sais quel esprit magique que j’entends converser dans une langue mystérieuse avec les arbres, les buissons, les ondes des ruisseaux, et je ne saurais exprimer l’impression voluptueuse, mêlée d’une douce tristesse, dont mon âme est remplie !

» Ah ! s’écria Fabian, voilà encore la vieille et éternelle chanson d’arbres parlants, de ruisseaux animés, de tristesse enivrante, et de volupté douloureuse ! tous tes vers regorgent de ces jolies choses, qui résonnent assez agréablement à l’oreille, et dont on peut bien faire emploi, du moment qu’on ne cherche rien sous le vide des mots. Mais, dis-moi, mon héros de mélancolie ! si les leçons de Mosch Terpin te blessent et t’irritent en effet aussi horrible-