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parussent être fort jeunes, leur voix était pourtant âpre et creuse, tous leurs mouvements lourds, et quelques-uns avaient sous le nez une ombre légère qui faisait l’effet d’une petite moustache. Par les fentes de derrière des petites robes d’un certain nombre on voyait sortir un long tuyau après lequel pendaient de grosses houppes de soie, d’autres portaient ces tuyaux à la main, et ils avaient adapté à leur extrémité de petits récipients, de moyens, voire même de forts grands, tous d’une forme bizarre, et par lesquels ils savaient faire surgir d’une manière très-ingénieuse mille petits nuages de fumée, en soufflant par en haut dans un certain ajutage terminé en pointe. Il y en avait qui portaient à la main de larges glaives étincelants comme pour aller à la rencontre de leurs ennemis, d’autres encore avaient des petits sacs de cuir ou des vases de fer blanc bouclés autour du corps ou suspendus sur le dos.

» Tu penses bien, mon cher Rufin, que moi qui travaille, par la contemplation attentive de toute chose qui m’est inconnue, à enrichir le trésor de mes connaissances, je m’arrêtai et me mis à examiner attentivement ces étranges individus. Alors ils se rassemblèrent tous autour de moi en criant de toutes leurs forces : Philistin ! — le philistin[1] ! — Et ils poussaient en même temps de grands éclats de rire. Cela m’affligea ; car, cher Rufin, y a-t-il pour un grand savant quelque chose de plus mortifiant que d’être pris pour un individu de ce peuple qui fut, il y a quelques milliers d’années, assommé par Samson avec une mâchoire d’âne ? Je m’armai de la dignité

  1. V. la note 5 du conte précédent. — Un peu plus loin, Fabian et Zacharie emploient quelques autres termes spécialement consacrés entre étudiants, et qui s’expliquent assez d’eux-mêmes.