Quelques savants, comme Duhem[1], vont jusqu’à réclamer pour la chimie physique le rang d’une troisième science, dont la place serait à côté de la physique et de la chimie, ou plutôt entre ces deux sœurs aînées.
D’autres, comme Winkler[2] et Ladenburg, estiment qu’il convient de faire provisoirement à la chimie physique une place honorable dans le domaine de la chimie, et que cette science, outre les deux divisions anciennes, chimie minérale et chimie organique, doit en comprendre une troisième, la chimie physique. À ce sujet, je vous dirai que l’université de Gœttingue va réorganiser sur cette base son enseignement chimique.
Mais laissons de côté ces idées de division et de classification, qui ont au fond quelque chose d’arbitraire, car la science, de même que la nature, dont elle est l’expression, doit former un ensemble, immense il est vrai, mais pourtant indivisible en principe, et cherchons à répondre à cette question : Qu’est-ce que la chimie physique a réalisé ?
On peut le faire d’une façon générale ou d’une façon spéciale. D’une part, je pourrais vous exposer les conclusions générales de cette science, et en ce sens j’aurais à vous parler des transformations chimiques, de la vitesse des réactions, des phénomènes électrochimiques, ce que je ne pourrais faire sans me servir de formules, toujours assez compliquées, que le caractère de cette introduction m’interdit d’employer. D’autre part, on peut faire connaître le caractère propre de la chimie physique par l’examen d’un problème particulier qu’elle est capable de résoudre. C’est de cette façon que je procéderai, et je vous prie de m’accorder toute votre attention au sujet d’une des conquêtes les mieux connues et les plus fécondes de la chimie physique. Je veux parler de l’établissement et de l’application de la pression osmotique.
Il s’agira tout d’abord de la grandeur de l’attraction que manifestent pour l’eau certains corps bien connus, tels que la chaux vive. Si l’on emplit de cette substance un flacon qui restera imparfaitement bouché, la chaux va attirer l’eau de l’air humide, se gonfler et finalement faire éclater le flacon, quelque résistantes qu’en soient les parois. Une force énorme est développée par cette attraction, trop grande pour avoir pu jusqu’ici être mesurée avec quelque précision.