Page:Hoefer - Biographie, Tome 46.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tous ces événements ; homme de cœur, de tête et de main, il lut employé souvent à rétablir la paix et l’union entre les chefs latins, et combattit avec courage dans les guerres de partisans qui suivirent. Après avoir vu Baudouin tomber, à la bataille d’Andrinople, entre les mains des Bulgares, il rallia l’arrière-garde, et la ramena en bon ordre. Il appuya de tout son pouvoir le nouvel empereur Henri 1er (1206), et, profitant d’un moment de trêve, il se retira en 1207 en Thessalie, où il avait reçu en fiefs du marquis de Montferrat plusieurs places, entre autres Messinople, ainsi que le titre de maréchal de Romanie. Cessant d’être mêlé aux affaires, il voulut les raconter ; c’est dans cette retraite paisible qu’il rédigea sa chronique, la première de ce genre écrite en prose française. Dans Villehardouin on rencontre bien des tournures, et surtout bien des mouvements, des traits de sensibilité empruntés aux chansons des trouvères. L’ouvrage offre un mélange de naïveté et de grandeur qui vient de l’émotion d’une âme forte à la vue d’importants événements. La première édition de la Conqueste de Constantinople fut impr. à Paris, 1585, in-4o, par les soins de Vigenère, avec une traduction en regard. Le texte seul, corrigé d’après un manuscrit apporté de Venise, reparut à Lyon, 1601, in-fol. Du Cange en fit l’objet d’un important travail, Paris, 1657, in-fol. Depuis, le texte remanié de Du Cange a été reproduit successivement par les auteurs du Recueil des historiens des Gaules, par Buchon, par Petitot, par Michaud et Poujoulat dans leurs collections de mémoires. M. Paulin Paris, dans une nouvelle édit. de Villehardouin, publiée par la Société de l’histoire de France (Paris, 1838, in-8o), s’est efforcé de rétablir autant que possible le texte primitif de l’auteur.

À l’époque où il se retirait de la vie active, Villehardouin, bien loin d’oublier sa patrie, dotait l’abbaye de Froissy et celle de Troyes, où ses sœurs et ses filles étaient religieuses. La branche aînée de sa famille s’étant éteinte en 1400, les descendants de son neveu, nommés aussi Geoffroi, la continuèrent jusqu’au moment où elle se fondit avec la maison de Savoie.

Fr. Monnier.

Chronique de Villehardouin. — Notices des éditeurs. — Hist. littér. de la France, t. XVII. — Sainte Beuve, dans le Moniteur, 1884, p. 119 et 147. — Michaud, Hist. des croisades.

VILLÈLE (Jean-Baptiste-Séraphin-Joseph, comte de), homme d’État français, né le 14 août 1773, à Toulouse, où il est mort, le 13 mars 1854. D’une famille noble du Languedoc, il entra de bonne heure dans la marine, et fit, sur une corvette d’instruction, un premier voyage à Saint-Domingue, suivi bientôt d’un second à l’Ile de France sous les ordres du contre-amiral de Saint-Félix, son parent. Il était dans cette colonie avec le titre d’aide-major, lorsqu’en 1792 la nouvelle des événements du 10 août l’engagea à donner sa démission. Réfugié alors à l’île Bourbon avec M. de Saint-Félix, qu’il avait contribué à sauver, il s’y fixa par un mariage avec Mlle Panon Desbassyns, et se consacra à l’exploitation d’une propriété qu’il y avait acquise. Elu membre de l’assemblée coloniale, il fit preuve dans des circonstances difficiles de sagacité, de prudence et d’activité. Ayant réalisé une partie de sa fortune, il revint en France, et se retira dans son domaine de Marville, près Toulouse, livré à des travaux agricoles. Les fonctions de conseiller général de la Haute-Garonne furent les seules qu’il remplit sous l’empire. Partisan très-ardent de la Restauration, il publia en 1814 des Observations sur le projet de Constitution, où il combattait la théorie d’une charte et d’une chambre élective. Nommé par le duc d’Angoulême maire de Toulouse (juillet 1815), il venait d’être installé dans ses fonctions lors de l’assassinat du général Ramel, qu’il ne put empêcher. Au mois de septembre il alla représenter sa ville natale dans la chambre introuvable, et y vota constamment avec cette majorité passionnée, qui s’efforçait de jeter le gouvernement dans les réactions. Les débats de la loi électorale (déc. 1815), présentée par M. de Vaublanc vinrent augmenter son importance parlementaire. Membre de la commission, il combattit énergiquement la théorie ministérielle des électeurs de droit, qui livrait l’élection aux fonctionnaires et par suite à l’administration même. La pensée de M. de Villèle était de donner pour appui au parti royaliste les classes inférieures, où ce parti rencontrait moins d’hostilité que dans la bourgeoisie. Nommé rapporteur, il développa un contre-projet qui, tout en maintenant les deux degrés d’élection, composait les collèges cantonaux de tous les citoyens âgés de vingt-cinq ans et payant 50 fr. de contributions directes, et limitait le taux de 300 fr. aux électeurs des collèges départementaux dont le nombre était fixé à trois cents. Remanié de nouveau, et objet d’un second rapport de M. de Villèle, le projet fut voté, mais avec des modifications qui en diminuaient la portée démocratique. La chambre de 1816 contenait encore une centaine de membres de l’ancienne majorité. C’est alors que M. de Villèle fit preuve d’une haute capacité par la manière dont il sut organiser son parti, le discipliner, harceler le ministère en adoptant le rôle des minorités et en prenant la défense des libertés publiques. Ainsi il attaqua avec force en 1817 l’influence de l’administration en matière électorale, la censure et la suspension de la liberté individuelle, le cumul et l’élévation des traitements, la centralisation, qu’il représenta comme la source de tous les maux, les emprunts qu’il assimilait à des impôts, le recrutement, etc. Ce n’était pas seulement à la tribune qu’il attaquait le ministère : dans la presse, le Conservateur était le principal organe de son opposition. Un instant proposé pour le ministère de la marine dans les combinaisons qui accompagné-