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printemps de 1851 il fut nommé à un des premiers emplois de Bombay. Avant de quitter la Perse, il voulut explorer Schiraz et ses environs, ainsi que les ruines de Persépolis, et succomba à une attaque du choléra. Il n’avait que trente-quatre ans. La littérature asiatique fit une grande perte dans ce jeune et laborieux savant, qui possédait les langues de l’Orient à un degré que bien peu d’Européens ont pu atteindre. Ses collections, acquises par le gouvernement, ont été placées dans le Musée britannique. On a de lui : deux Mémoires sur les ruines de Babylone, l’un inséré, vers 1812, dans les Mines de l’Orient, recueil qui paraissait à Vienne ; l’autre, pubiié en 1818, à Londres, trad. la même année en français, et destiné à combattre les doutes qu’avait élevés le major Rennell sur l’emplacement de l’antique cité ; tous deux ont été réimpr. ensembie en 1839, à Londres, avec la relation des voyages à Babylone et à Persépolis ; — Narrative of a résidence in Koordistan ; Londres, 1836, in-8o, avec une carte ; cette relation a été mise au jour par la veuve de l’auteur.

Notice à la tête du Narrative of a résidence.

RICHARD Ier, dit Cœur de Lion, roi d’Angleterre, né en septembre 1157, à Oxford, mort le 16 avril 1199, au château de Chalus (Limousin). Il était le troisième des cinq fils d’Henri II et d’Éléonore de Guienne. Lors du traité de Montmirail (6 janvier 1169), il reçut en partage le duché d’Aquitaine. Le ressentiment de sa mère, les instigations du roi Louis VII, un caractère naturellement impétueux et violent le poussèrent, à peine sorti de l’adolescence, à se révolter contre son père (1173), et lorsque la ligue redoutable où il était entré, et qui se composait de ses frères, des rois de France et d’Ecosse et d’un grand nombre de barons anglais, eut été dissipée en deux campagnes, il fut le dernier à poser les armes. À la réconciliation qui ramena la paix il gagna pourtant deux châteaux du Poitou avec la moitié des revenus de ce comté (septembre 1174). Passionné pour la gloire des armes, on le vit, à l’exemple d’Henri, son frère aîné, parcourir le continent comme un simple chevalier, ne cherchant qu’amour et aventures, se présentant dans tous les tournois et remportant souvent le prix de la force ou du courage. Ces qualités brillantes étaient ternies par la perfidie, la cruauté et un penchant effréné à la débauche. Les exactions et les violences de Richard soulevèrent les barons d’Aquitaine (1183) ; il put, avec le secours de son père, les faire rentrer dans le devoir, mais la prédilection marquée de ce prince pour Jean, le dernier de ses fils, lui ayant inspiré de l’ombrage, il se rapprocha de Philippe-Auguste, qui venait de succéder à Louis VII, et se déclara son vassal. La guerre se ralluma (1188). On en donna pour cause apparente la singulière obstination de Henri II à différer sans cesse le mariage de la princesse Adélaïde de France avec Richard, qui lui était fiancé depuis longtemps[1]. Après une courte campagne, le vieux roi, vaincu et trahi, accepta les conditions que lui imposa son fils, et mourut peu après en le maudissant (6 juillet 1189).

La mort de ses frères avait ouvert à Richard le chemin du trône : il fut couronné le 13 septembre 1189, à Westminster. Cette cérémonie servit de prétexte à un soulèvement populaire contre les juifs de Londres : leurs richesses s’étaient considérablement accrues sous le dernier règne, et ils étaient exécrés. Le bruit ayant couru que Richard allait les expulser, comme on venait de le faire en France, on les traqua comme des bêtes malfaisantes, on les assomma sans pitié et on livra leurs maisons aux flammes. Pendant six mois ces scènes de carnage se renouvelèrent dans toutes les villes de l’Angleterre ; à York cinq cents juifs, assiégés dans la citadelle, massacrèrent leurs femmes et leurs enfants et s’égorgèrent ensuite les uns les autres, après avoir enterré l’or et l’argent qu’ils possédaient. Deux ans avant sa mort Henri II avait résolu d’entreprendre une expédition dans la Terre sainte, qui était tombée presque tout entière au pouvoir de Saladin après la bataille de Tibériade. Richard avait pris la croix avec enthousiasme ea même temps que Philippe-Auguste ; à peine arrivé au trône, il ne songea plus qu’à tenir ses serments. L’immense trésor, fruit de la rapacité de son père, et qu’il trouva à Salisbury, ne lui suffit pas ; limita l’enchère les terres du domaine, les dignités, les charges de la couronne ; il vendit même pour dix mille marcs les droits de souveraineté sur la couronne d’Écosse. Puis il passa en Normandie, où il remplit ses coffres par les mêmes expédients. Au lieu de conduire à la troisième croisade une multitude indisciplinée, les deux rois alliés n’emmenèrent avec eux que l’élite de leurs chevaliers. Le rendez-vous général fut donné dans les plaines de Vézelay, en Bourgogne (1er juillet 1190) ; plus de cent mille hommes des deux nations s’y assemblèrent. Tandis que Philippe prenait la route de Gênes, Richard s’embarquait à Marseille, sans attendre l’arrivée de sa flotte. Ils se retrouvèrent à Messine. Là, le brutal et orgueilleux Richard s’établit en maître, et pendant six mois il traita la Sicile en pays conquis et son roi Tancrède en vassal. Toutes les violences, toutes les insultes, il les permettait à ses soldats. D’abord il réclama et obtint quarante mille onces d’or en échange du douaire de sa sœur Jeanne, veuve de Guillaume II, que Tancrède avait dépouillé de ses États, et afin de la rendre indépendante il passa un jour le détroit, emporta de vive force un château situé en Calabre, et le lui donna à titre de résidence. Aux motifs d’animosité qui existaient

  1. Henri la gardait dans un de ses châteaux, dont l’entrée était sévèrement interdite à son fils, et selon le bruit général il l’avait prise pour maîtresse.