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1023 l’empêcha du moins de garder Messène. Nabis venait de s’en emparer; Philopémen, alors simple particulier, réunit de sa propre autorité une troupe de soldats , courut à Messène et reprit la ville; l’armée Spartiate n’avait pas osé l’at- tendre. Ici se place le seul acte de sa vie que ses historiens trouvent à blâmer. Au moment où la ligue avait à lutter contre Nabis qui menaçait son indépendance, Philopémen quitta son pays, se rendit en Crète pour la seconde fois , et se mit au service de la ville de Gortyne alors en guerre contre une autre ville crétoise- : c’est qu’il ressemblait un peu à ces hommes, nombreux en Grèce depuis les Cléarque et les Xénophon , plus nombreux à cette époque de décadence, qui faisaient volontiers de la guerre un métier. Philopémen l’aimait pour elle-même et se lais- sait aller partout où elle l’appelait. Il était encore en Crète pendant la guerre que les Romains firent à Philippe ; il ne prit donc aucune part à cette fameuse délibération où le conseil de la ligue, sommé de prendre parti entre la Macé- doine et Rome, se décida pour celle-ci. Il revint en Achaïe au moment où la confédération se faisait payer ses services en obtenant de Flami- ninus qu’il l’aidât à dompter Nabis. Philopémen, nommé stratège, eut la direction de cette guerre. Battu dans un combat naval, il vainquit Nabis sur terre et l’enferma dans Sparte. On peut sup- poser qu’il eût poussé plus loin ses succès si les Romains n’avaient refusé dès lors de le secon- der; Rome, au lieu de dépouiller Nabis, aimait mieux faire subsister deux puissances rivales dans le Péloponèse. Peu de temps après , Phi- lopémen apprit que Nabis venait d’être assas- siné par lesÉtoliens; avec la rapidité de décision qui lui était habituelle, il courut à Sparte, réunit les habitants, et moitié par force, moitié par persuasion, il réussit à faire entrer cette ville dans la ligue achéenne. Le projet qu’Aratus avait conçu se trouvait ainsi réalisé : le Péloponèse presque entier était réuni en un seul corps. 11 est vrai que Sparte, comme toutes les villes grec- ques, était partagée entre deux, factions ; le parti démocratique ne tarda pas à se soulever et à se séparer de la ligue. Philopémen, qui était alors stratège, reprit la ville et la traita cruellement : quatre-vingts citoyens furent mis à mort, trois mille vendus comme esclaves, et un plus grand nombre condamnés à l’exil; les murailles furent abattues et les lois anciennes abolies. Toutes ces guerres intestines préparaient les voies à l’am- bition de Rome. Philopémen sentait s’approcher cette domination; autour de lui les Diophane et les Dinocrate, ses ennemis personnels, appe- laient de leurs vœux la servitude. Lui-même sa- vait la Grèce trop faible ou trop corrompue pour garder son indépendance. 11 voulait du moins qu’elle tombât dignement, et aux courtisans ser- viles des Romains il disait : « Vous êtes donc PHILOPÉMEN t024, bien pressés de voir arriver la dernière heure de* la Grèce ! » Il osait résister quelquefois avec har- diesse aux prétentions des Romains; Cecilius: exigeant un jour que le sénat achéen révoquât un décret relatif à Sparte, Philopémen répliqua éner- giquement à l’envoyé de Rome et fit rejeter sa demande. Une autre fois Flamininus réclamait de lui un acte illégal, il refusa. Mais il sentait mieux que personne l’inutilité de cette lutte, et il àm sait : « Un jour viendra où les Grecs devront obéir ; tout ce que nous avons à faire c’est de ne pas avancer ce jour. » Il travaillait ainsi sans espoir et sans illusion pour prolonger quelque peu les apparences de la liberté. L’an 183, il exer- çait pour la huitième fois la charge de stratège. Le sénat, qui envoyait alors Flamininus en Asit pour réclamer Annibal , lui enjoignit de passeï par le Péloponèse. Sans lui donner d’instruction! bien précises, il lui confia le soin de semer k division dans la ligue et de susciter des ennemis à Philopémen. En effet, au moment de son pas- sage, les partisans de Rome s’enhardirent; l’ut d’eux, Dinocrate, se rendit le maître dans Mes- S sène et détacha cette ville de la confédération, Philopémen, âgé alors de soixante-dix ans ei malade, n’avait pourtant rien perdu de l’ardeui de la jeunesse. Sans prendre le temps de réunir l’armée achéenne, il prit avec lui un petit corps de cavalerie et marcha sur Messène. Il rencon- tra Dinocrate en avant de la ville et le mit en déroute; mais celui-ci ayant reçu des renforts, ce fut à Philopémen à faire retraite à son tour, Il marchait à l’arrière-garde, le dernier de tous, faisant souvent face à l’ennemi , pour protégei ses cavaliers. Son cheval le jeta par terre , & sans qu’aucun homme de sa troupe se fût aperçi de sa chute , il fut pris par les Messéniens. Oi le conduisit à la ville et on l’enferma dans uni de ces antiques constructions souterraines qu’or appelait des trésors. Il est vrai que la majoritt des citoyens lui était favorable; les uns rappe- laient le souvenir des services qu’on avait reçu* de lui; les plus indifférents voulaient au moin! qu’on le rendit aux Achéens pour obtenir la paix Mais Dinocrate, l’ami les Romains, redoutant les dispositions du peupleet craignantque le moindn délai ne rendît son adversaire à la liberté , st hâta de faire porter à Philopémen une coupe di poison. Il la but sans proférer aucune plainte consolé par la pensée que Lycortas avait échapp< aux ennemis. Il fut vengé; les Achéens, maître! de Messène, lui rirent de brillantes funérailles la Grèce se remplit de ses statues. Mais la ligw achéenne ne trouva plus un général tel que lui, sa mort porta le découragement dans ce qu’i restait encore d’amis de l’indépendance , et l’on put dire de lui qu’il avait été le dernier des Grecs. Fcstel de Coulanges. Polybe, II-XXV. - Tite-Live, XXXI-XXXIX. tarque, Fie de Philopémen, Fie de Flamininus. Plu- FIN DU TRENTE-NEUVIEME VOLUME.